Le fusil
ou la lyre
Pourquoi
Aenthéos est-il résolument engagé dans cette démarche
?
Parce que c'est de poésie que nous manquons le plus !
"La
poésie est un chant", nous ont-ils dit à l'école
ou ailleurs :
mais, bien peu de ces diseurs ont su prendre la lyre.
Après Rimbaud, plus que le rien : les armes.
L'impossible, ils l'ont fait.
Extermination, éradication, purification - sous nos yeux clos.
Tout a été dit, tout a été écrit, mais
rien jamais n'est compris.
Et on reprend les armes et on recommence.
Le fusil
ou la lyre : le dernier des choix.
La poésie est l'ultime combat, l'anti-combat ;
de fait, le seul qui ne peut vaincre que lui-même.
Ce n'est pas un constat : elle n'assure rien. Elle prévient - c'est
tout.
Elle lance des sémaphores, des S.O.S insensés, frappés
d'absurdité - et pourtant...
Seuls les prévenus sont libres c'est là notre culpabilité.
Cessons, alors, de nous en prendre à notre impuissance face à
demain.
Notre avenir nous tourne le dos.
Le testament est bien là, pourtant, écrit avec du sang ;
par lui nous pourrions voir venir, anticiper...
Tout le monde s'en fout.
Et l'on chante la fleur au fusil, et l'on déchante quand il faut
viser au cur.
Si "seul le cur est poète", de quelle pulsation,
de quel rythme, de quel chant est-il l'effort ?
Il y faut plus de vie, d'enthousiasme, plus de lyrisme, de verve, plus
de cur encore.
(Il n'est
pourtant pas possible que les "poètes" se fassent chanteurs,
ni que les "chanteurs" deviennent poètes, car, au fond,
ils sont les mêmes, ou devraient l'être ;
et, celui qui ne se sait tel n'est ni l'un ni l'autre - car :
"La poésie est une clameur, elle doit être entendue
comme la musique.
Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée
dans sa typographie n'est pas finie;
elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend
le sien
avec l'archet qui le touche." Léo Ferré).
Et, si pour
vous faire entendre, il faut que nous chantions, misérables,
c'est que la musique est porte-parole, nous changeant en porte-voix, en
chercheurs d'hommes.
D'ailleurs, à ceux qui risquent l'aphonie, dans cet aujourd'hui
d'oubli et de noyade consentis,
je propose de ne plus crier, le moment venu, "A l'aide, à
l'aide !",
mais de clamer "A l'aède, à l'aède !".
Lorsque de
cet appel surgit l'espoir désespérant d'une musique qui
ne se joue plus des mots,
d'une poésie qui retrouve son chant, ne pas vouloir entendre c'est
être déjà mort.
Marc
d'Aenthéos
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