"Entre
tes mains..."
: ce premier album est un passage à l'acte, une prise en main.
Au départ, nous ne voulions pas faire de disque. Pour ma part,
avant de constituer le groupe, j'en avais eu plusieurs fois la possibilité,
mais à l'inverse (donc à l'instar) de Gérard Manset,
je ne voulais être reconnu que par la scène, les concerts.
Le hasard des rencontres a fait qu'à moindre frais nous avons pu
enregistrer ce premier album de circontances. Pourquoi de circonstances
? Parce qu'il s'agissait de voir si nous étions capables de nous
astreindre au studio; par ailleurs les organisateurs de concerts demandaient,
de plus en plus, une " démo ". C'est pourquoi nous nous
sommes lancés, sans être vraiment prêts. Nous avons
enregistré " Entre
tes mains..." en une semaine, mixage compris, en vous avouant que
la plupart des morceaux ont été en grande partie recomposés
et finalisés en studio. C'est sans doute ce qui donne, aussi, à
l'album son unité d'intention et, à la fois, son aspect
fragmenté, éclectique. Nous avons
pris dans notre répertoire les morceaux qui nous semblaient, à
ce moment là, les plus propres à engendrer une histoire
: celle d'un homme qui, au réveil d'une vie au conditionnel, par
intérim, par délégation,
comprend qu'il n'y a pas d'autre issue que de devenir l'artiste de sa
propre vie.
D'emblée, l'idée de raconter ce cheminement s'est imposée
d'elle-même ; alors les critiques et chroniques parlent d'album
" concept "... Soit. Les titres, d'ailleurs, des cinq morceaux
composent une phrase censée recouvrir l'ensemble de la démarche
: " Si - Tu prends ta vie entre tes mains - Elle est - Désormais
- Eternelle ". En fait, je réalisais, mentalement, que l'album
que nous étions en train de produire, était la réalisation
matérielle et technique simultanée, de cette prise de conscience.
L'idée ne précédait en rien la mise en oeuvre. J'étais
en train de raconter précisément ce passage à l'acte
dont la trace tangible et audible est cet album même. J'avais entre
mes mains quelque chose qui ne pouvait que s'appeler : " Entre tes
mains...". Mise en abîme, ou en poupée gigogne, comme
vous voudrez, d'une intention qui ne pouvait devenir consciente d'elle-même
qu'en se réalisant. " Le but c'est le chemin." Goethe.
"Sur
tes traces..."
: là, la démarche est plus clairement affirmée. Comment
rendre compte des rencontres essentielles qui jalonnent une vie : les
parents, les copains, les amours, les trahisons, la femme, l'homme, l'enfant,
l'ami, et peut-être, un jour, soi-même. Comment lire les traces
qu'impriment à jamais en nous les émotions, les peines et
les joies.
C'est
l'histoire de celui qui revient d'un pays de rencontre impossible. Je
l'imagine, je le vois. Il marche, encore toujours, une ligne brisée
de pas sans intention, une errance parfaite.
Et,
au bout du compte, on se retire dans l'ombre de son ombre, et, sous le
soleil de midi, on marche sur ses propres traces...
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