Entretien
avec Ænthéos à propos de "Entre tes mains..."
Quel
est l'historique de votre groupe, l'origine des musiciens et leurs éventuels
antécédents ?
Ænthéos
- Nous sommes un groupe sans histoire. Des déracinés de
la musique. Bien sûr nous pouvons parler de rencontre, entre tel
ou tel membre, mais c'est le cas pour tout groupe ; et ce n'est sans doute
pas ce qu'il faut retenir. Chacun suit ses propres traces, la sphéricité
de la Terre aidant, elles finissent par croiser celles d'un autre, d'une
autre, qui, comme lui, tentait de précéder son destin. Mais
encore faut-il qu'une authentique rencontre ait lieu, sur la base d'une
idée.
Un groupe, en fait, c'est la concrétisation d'une idée,
bien plus que l'histoire d'une rencontre. D'ailleurs il existe des rencontres
qui valent pour elles-mêmes, et qui sont stériles. Si vous
n'êtes pas portés, fécondés par une idée,
il ne peut rien vous arriver.
Vous pouvez penser que nous biaisons, que nous ne répondons pas
à votre question ; mais il faut prendre au sérieux le fait
qu'une idée n'a pas d'histoire. Et, notre groupe n'est qu'une idée.
Nous comprenons qu'il faille parler de nous ; mais en quels termes. Que
vous dire de plus, que vous ne sachiez déjà ; sinon que
le batteur a subi quelques années de formation pianistique, qu'il
a rencontré, il y a bientôt dix ans, un guitariste du dimanche;
qu'ensemble ils sont à l'initiative du groupe. Que seul le clavier
n'est pas autodidacte, que le bassiste a vingt ans et que la chanteuse
est brune - comme sa voix. Mais tout cela est sans intérêt...
Quelle
est la signification de votre nom ?
Ænthéos
- Ce nom vient d'enthousiasme. Sans doute, pour peu qu'on s'intéresse
à l'étymologie, un des plus beaux termes de la langue française
; d'origine grecque, composé de en qui signifie dedans, à
l'intérieur, et de théos qui signifie, comme tout le monde
sait, dieu ; enthusiasmos : délire sacré qui saisit l'interprète
de la divinité. "transport divin" ou inspiration. Les
anciens Grecs pensaient que certaines personnes étaient des intermédiaires,
comme des interprètes de puissances supérieures ; la Pythie
notamment, les musiciens, les poètes, les artistes en général.
Mais, ce n'est, pour nous, qu'une belle vision de la fonction de l'artiste,
et, c'est pourquoi nous avons ajouté un A privatif, celui de la
négation et de l'objection, pour compenser l'aspect mystique, et,
nous préserver du délire. Nous voulons bien faire l'expérience
de l'inspiration, par exemple pour composer, ou en public lorsque nous
partons en improvisation, mais nous n'avons pas besoin de dieu pour cela
(même au pluriel : des dieux) : " La foi est plus belle que
dieu " dit, dans une chanson, C. Nougaro. Ænthéos veut
signifier l'expérience de la création qui relève,
uniquement, de l'inspiration humaine, sans que dieu s'en mêle. C'est
pourquoi les premières paroles chantées de l'album sont
une invocation à l'Inspiration elle-même. En fait, c'est
très simple!
Je
sais que vous n'aimez pas qu'on dise de vous que vous faites du "progressif".
Pouvez-vous définir votre musique pour nos lecteurs ?
Ænthéos
- Il ne s'agit pas d'aimer ou non, car, au-delà de ceux qui aiment
et de ceux qui n'aiment pas il y a Ceux qui accueillent - dont vous êtes.
Mais, nous pensons que le terme n'est pas ou plus approprié. Il
ne faut pas, non plus, cracher dans la soupe, comme on dit (même
s'il arrive trop souvent que le " progressif " soit de la soupe),
sous prétexte de ne pas vouloir se laisser enfermer dans un quelconque
style. Il y a dans ce genre musical des groupes superbes, qui ont ouvert
des voies magnifiques, indépassables. Nous, très modestement,
nous ne savons pas ce que nous faisons, " Ce que je fais m'apprend
ce que je cherche.", écrit Pierre Soulages.
Cet été, par exemple, nous sommes allés dans différents
festivals (Proglive, Royan) afin de présenter notre album, notre
démarche ; nous avons toujours reçu un accueil très
cordial de la part des organisateurs, des journalistes, presse et radio,
des artistes. Somme toute, le milieu progressif est très ouvert
- c'est sa raison d'être. Pour le groupe méconnu que nous
sommes, c'est une expérience humaine indélébile.
Mais, il ne faut pas, à l'inverse, par une sorte d'effet pervers,
être catalogué et réduit à la représentation
étroite, schématique, d'un " rock progressif "
passéiste et intello, telle qu'elle est colportée et entretenue
auprès du grand public.
Si faire du progressif c'est faire feu de tout bois, être éclectique,
traquer le musical sous toutes ses latitudes, toutes ses influences, alors
nous faisons du progressif. Plus encore, si on entend par là une
musique ouverte, qui, telle une voile, malgré les influences et
les courants, peut nous tirer vers " nulle part " : le pays
de nulle part, eu-topia, Utopie et son univers de rêves à
raconter, à concrétiser ; alors nous acceptons.
Mais nous préférons, tout de même, parler de musique
transversale.
Plus profondément, ce qui nous gêne dans l'appellation de
progressif c'est le mot progrès lui-même. Au nom du progrès
on justifie tout et n'importe quoi ; la musique n'y échappe pas.
On adore, de nos jours le progrès comme une divinité suprême,
prenons garde qu'elle ne soit pas une idole régressive.
Quant à notre musique, si elle est vraiment inspirée, elle
n'est pas nôtre. Pleine de résurgences, elle obéit
à une seule idée : mettre le son au service du sens ; tenter
de concilier la musique amplifiée (mais une simple caisse de guitare
n'est-ce pas déjà un ampli, et, que dire des nefs de cathédrale?),
et les mots, la poésie. Comme dit la chanson " J'ai deux amours..."
: la musique rock inspirée et la chanson française à
texte. Nous travaillons à rendre possible cette union. Nous ne
savons pas si nous y parvenons, si notre album en témoigne, mais
nous cherchons.
Nous pensons, avec passion, que la poésie trouve son accomplissement
naturel dans la musique ; et qu'une musique ne l'est vraiment que si elle
est poétique. Bien sûr, cela n'a rien à voir avec
une conception scolaire de la poésie, aseptisée, doucereuse
et programmée. S'il faut dire "merde" en poésie,
alors "merde" est un terme poétique. Poésie signifie
créer, autrement dit, faire la nique à la production. Créer
contre produire: voilà un beau combat !
La musique d'Ænthéos, nous le savons, est une gageure: contenir
d'une même main la puissance instrumentale et l'intensité
tragique du verbe, la pulsation démesurée du rythme et la
scansion libre du chant, le tonitruant, l'absurdissant et le chuchoté,
le psalmodié : créer, avec la musique, aux confins des mots,
du silence...
Le propre de "notre" musique est donc sa recherche : rompre
avec la séparation, entretenue, des paroles et de la musique; si
vous voulez, il s'agirait d'arriver à faire de la musique avec
des mots, de créer du sens avec des sons : jouer une musique qui
parle une poésie qui chante.
En résumé, au risque de passer pour de prétentieux
charlatans du verbe, il faudrait, , tenter une formule : Ænthéos
cherche le " rock philosophal "...
On
vous compare parfois à des groupes comme Ange, Pink Floyd, ...
Que pensez-vous de cette comparaison avec des groupes des années
70 ?
Ænthéos
- Sans tomber dans l'autosatisfaction, il faut bien reconnaître
que c'est très gratifiant.
Les années 70 ont été extrêmement fécondes,
car tous les artistes étaient portés, qu'ils l'avouent ou
non, par une lame de fond, dont Mai 68 n'a été que l'écume.
A l'origine, de cet énorme raz-de-marée culturel et spirituel,
il y avait une idée salvatrice - naïve, pourtant, et déjà
surannée, mais une vraie idée : " Peace and love ".
La mémoire de la folie destructrice des dernières guerres
poussait l'imagination à assumer, pour une fois, librement sa force
créatrice : " L'imagination au pouvoir.", pouvait-on
lire sur les murs de Paris et d'ailleurs. Hendrix, Davis, Ferré,
Manset, même combat. Que nous reste-t-il aujourd'hui ? La glaciation
de l'espérance, ou saurons-nous, un jour, pourquoi nous avons des
Enfants ? Pour en faire des soldats ; sans drapeaux, sans fusils, sans
ennemis qu'eux-mêmes...
De ce point de vue, cette comparaison, avec le meilleur des années
70, est pour nous un honneur ; c'est la plus juste même si elle
est forcément réductrice, car, dans la liberté du
présent, rien n'est comparable - rien de comparable.
Ainsi, même si la plupart des chroniques sur Ænthéos
font reférence à d'excellents prédécesseurs,
Ange le plus souvent, les Floyds, Yes ou Magma ; il reste la manière
toute particulière d'en être l'héritier. Il nous semble
que lorsque nous touchons du doigt la création, en musique, ces
influences deviennent des références - et ce, quel que soit
le niveau, la virtuosité, le professionnalisme des musiciens ;
il nous arrive très souvent, dans les concerts, de trouver bien
plus de talent chez des groupes d'amateurs inconnus, que chez des dinosaures
patentés.
En fait, la référence aux groupes des années 70 se
justifie, non pas tant parce qu'elle serait effective, mais bien parce
que nous les rencontrons sur un même fond, et parce que nous tentons
d'exprimer, dans des atmosphères musicales et textuelles proches
et différentes à la fois, la même "autre chose".
Je comprends qu'il faille référer à tel ou tel grand
groupe. C'est avant tout une question de probité intellectuelle.
La création ex nihilo étant une douce illusion ; nous pensons
toujours avec et contre d'autres, nos prédécesseurs, nos
contemporains, quels qu'ils soient. Cependant, il faut revendiquer sa
paternité, la reconnaître.
Cela pose la délicate question du propre de l'uvre. La création
est, malgré et en dépit du groupe, de la société,
une affaire individuelle - non pas égoïste, mais indivisible.
Carrefour d'influences, creuset de contradictions, un individu, est, un
jour, ou jamais, une synthèse. Lorsqu'elle devient possible et
consciente d'elle-même, cette synthèse se fait discours,
position, elle s'affirme en disant " Non ! "; bientôt
elle est vision du monde, engagement : c'est ce qu'on appelle, par défaut,
une " personnalité ". Mais, précisément,
et cela n'est pas paradoxal, la création commence lorsque cette
prétendue personnalité touche à l'Impersonnel (aux
sens forts de ce terme) ; c'est-à-dire à ce qu'il y a de
propre, de particulier en chacun de nous - tous. Créer, accueillir
en soi l'autre pour le restituer dans la forme, l'objectiver : musique,
poème, tableau, sculpture, ..., ou encore, engagement politique,
culturel, projet fondamental de vie - car je pense que rien n'est plus
esthétique que d'être l'artiste de sa propre vie - fut-ce
au risque d'être, au bout du compte, l'artisan de son malheur.
On voit combien la question de l'héritage culturel est épineuse.
Il faut pourtant y couper court en revendiquant ses orientations, en soulignant
que ce n'est même pas une question de choix, et que c'est la seule
voie(x), pour nous, qui permette de dire "autre chose".
La
plume ne semble pas vous faire peur : tant sur l'album que sur votre correspondance,
on assiste à un feu d'artifice de jeux de mots, d'allitérations...
Dites-nous en plus à propos de votre prolixité ?
Marc
d'Ænthéos - Sur une question aussi pointue je ne peux que
parler en mon nom propre, puisque, à cette heure, je suis ,dans
le groupe, celui qui écrit.
Détrompez-vous, la plume me fait peur. On dit souvent " N'ayons
pas peur des mots ! ". Mais, les mots me font peur, m'ont toujours
fait peur. Un mot ce peut être un puits au-dessus duquel je me penche,
une branche incertaine sur laquelle je me risque, une planche pourrie
où je m'avance ; un mot c'est un vertige, un malaise, un haut-le-cur.
Pire encore, quand la plume va toute seule: les mots s'imposent d'eux-mêmes,
vous n'avez plus le choix - l'a-t-on jamais? Même, lorsque dans
cette véritable frénésie d'écriture, cette
prolixité dont vous parlez, il y a des instants de pure félicité,
cela retombe très vite et le mal prévient d'une nouvelle
saignée d'encre. Il est toujours grave d'écrire. Il ne s'agit
pas de dire quelque chose, de faire passer un message, de revendiquer
je ne sais quelle "vérité", mais il faut assumer
de ne jamais avoir le choix, de laisser votre tête couler jusqu'au
bout de vos doitgs, et par la plume de tracer ce qui s'écrit :
c'est nécessaire. Cela n'a rien à voir, non plus, avec de
l'écriture automatique. Je crois plutôt que c'est comme une
hypertrophie de la parole intérieure qui cherche des oreilles,
une sorte de logorrhée vitale qui, in-entendue, trouve son champ
d'expansion dans l'écriture. D'ailleurs, je n'écris vraiment
que lorsque je m'adresse à quelqu'un, en particulier ; je pense
qu'il n'y a vraiment d'écriture qu'épistolaire. Écrire
c'est s'adresser à, c'est un entretien permanent, voire une dispute
- une confession. D'ailleurs, bon nombre de mes textes utilisent le tutoiement,
sont une invitation au dialogue, au combat d'idées.
Pour ce qui est des " jeux de mots ", ils n'en sont pas. La
plupart du temps j'écris debout, la guitare sur les tripes, et
je ne retiens rien qui ne soit, à mes oreilles, musical. Étant
insomniaque, j'écris la nuit, ce qui renforce la matière
sonore de l'écrit ; C'est pour cela que j'écris des paroles,
non pas parce qu'elles seront peut-être chantées, mises en
musique, mais bien parce qu'elles sont d'emblée des mots dits,
avant d'être écrits. Le sens doit sonner, être en bouche,
être pleinement musical. Vous comprenez pourquoi, alors, ce ne sont
pas des jeux de mots, mais des homophonies qui, dans leurs consonances
et leurs résonances réciproques, créent du sens.
Lorsque j'écris
" Et tu pries, plus tu pries, plus tu es épris, plus tu es
esprit...", cela n'est justifiable que parce que j'essaie de dire
que trop souvent la "spiritualité" n'est qu'une emprise
de la prière sur l'esprit, une ritualisation qui confine à
nier l'esprit lui-même , sa liberté. L'homophonie est pour
moi un concert de plusieurs sens dans le même son, le même
mot. Nous rejoignons en cela aussi le sens et le pouvoir musical de l'allitération.
Pour être plus direct encore, je pense que le jeu de mot n'est souvent
que le signe de la pauvreté de l'esprit qui s'y complaît
; un simple jeu d'esprit, fondée sur l'équivoque - facilité,
futilité.
Idem pour les citations (le plus souvent de philosophes ou de poètes)
: ne pensez-vous pas que ce déluge raffiné de mots et de
maximes puisse vous enfermer dans une sorte de " tour d'ivoire ",
dans laquelle les auditeurs ou les lecteurs ne pourraient accéder
?
Marc
d'Ænthéos - C'est un risque, donc une forme supérieure
de respect.
Il faut cesser de penser que la pensée, la réflexion, la
poésie, la musique, que tout cela suppose, comme on dit, du bon
goût, cultivé, une sorte de raffinement intellectuel. Mon
cul ! " La poésie est dans la rue, avec la musique, avant
l'université !" a gueulé un jour Ferré sur scène.
Vouloir se mettre à la portée du public c'est forcément
le ravaler dans l'inférieur, avec condescendance, avec la bonne
conscience de celui qui se croit au-dessus. Je préfère être
incompris.
J'ai trop connu la misère spirituelle pour ne pas la combattre
; et, de nos jours, elle est partout, dans tous les milieux, surtout là
où elle se donne des airs contraires - si vous voyez ce que je
ne veux pas dire.
Il est vrai toutefois, que c'est aussi une question d'éveil personnel.
Si, du plus profond de son amour, une mère (un père!) fait
manger de la merde à son enfant, a grand coup de petite cuillère,
en lui disant que c'est bon, il y a de forts risques pour qu'à
l'âge adulte il en mange avec plaisir, à pleine louche.
Je vais enfoncer des portes ouvertes ; mais il est clair qu'il ne faut
jamais confondre intelligence et instruction ; l'intelligence de l'esprit
est du côté de la sensibilité, de l'émotion,
de la réceptivité. Tout un chacun peut réagir à
la parole d'un poète, d'un philosophe, pour peu qu'elle soit opportune,
nécessaire, qu'elle sache s'offrir au bon moment. Chacun de nous
a fait l'expérience d'avoir entendu une phrase dix fois, vingt
fois, sans en être touché, et un jour, sans savoir pourquoi
ni comment, nous la recevons en plein cur, en plein corps, elle
nous chavire la tête. Il n'y a aucune démagogie à
penser que nous sommes tous capables d'émotions intellectuelles,
d'abord, puis d'efforts pour, tout simplement, en savoir plus, être
plus lucide, moins ballotté par les courants et les modes.
Je ne donne pas dans l'angélisme, je sais que ce qu'on appelle
le "grand public" ne peut pas s'intéresser à ce
que j'écris ; il ne s'agit même pas de le toucher. Il faut
aussi savoir à qui on s'adresse ; cependant, il est toujours possible,
qu'une musique, qu'un texte, vivant de sa propre vie, fasse des "miracles"
et touche ce qui reste d'humain en chacun de nous ; mais là, ça
relève du génie, de l'inspiration pure. Il existe quelques
artistes qui ont connu cette acmé de leur art. Mais, c'est un long,
long chemin. Donc, pas de " tour d'ivoire " : j'aime trop les
éléphants pour ça !
Pouvez-vous
nous parler des réactions reçues de la part de votre entourage
(famille, collègues...) et des professionnels de la musique (labels,
distributeurs, magazines) par rapport à votre album ?
Ænthéos
- L'étonnement, la surprise, le plus souvent.
Pour la famille et les proches c'est difficile de bien comprendre leurs
réactions ; ici, on aime parce que c'est nous, là, on n'aime
pas parce que c'est nous. Pour ce qui est des distributeurs, tourneurs,
radios, etc., nous avons toujours eu, pour ceux qui répondent,
un bon accueil ; la plupart d'entre eux nous disent : "Votre démarche
esthétique est vraiment originale, très intéressante,
la musique porte bien des textes forts, évocateurs; les musiciens
ont un savoir-jouer indéniable, etc." Mais, il y a un MAIS
monumental.
" Mais je ne peux rien faire, je ne sais pas comment distribuer votre
disque." (sic.) Pourquoi?, répondons-nous, faussement naïfs.
" Ce n'est pas commercial, ce n'est pas festif..." et, on a
même ajouté, une fois, " par certains aspects votre
musique est dépressive." Et voilà, tout est dit ! C'est
pourtant bien vrai, mais de quelle "dépression", de quel
effondrement vient notre volonté, notre enthousiasme. Au fond,
aussi réalistes et sincères que soient les propos des commerçants
de l'art, ils participent à creuser cette dépression, la
fosse où ils nous enterrent vivants. Mais, qu'ils prennent garde,
c'est du fond de cette dépression fondamentale que se fomentent
toutes les révoltes - en silence, pour le moment...
Aussi, peu prennent le risque de nous distribuer car ils ne savent pas
comment vendre notre album, vendre nos concerts. Alors, il n'y aurait
là que réponses de courtoisie - allez savoir!
Le Label Muséa nous distribue par V.P.C - Depuis peu Progpulsion,
d'autres sont en cours de négociation. (Novalis, R.S.C., M.S.I.).
Mais, cela reste très marginal, et les ventes se font au compte-gouttes.
L'essentiel est ailleurs, dans la presse d'abord. Du Fanzine à
la presse nationale, tous les articles témoignent, sans complaisance,
d'une véritable écoute. Si je devais résumer l'ensemble
de leur écho je retiendrais les deux extraits suivants : "
Insolite, déroutante, la poésie musicale d'Ænthéos
est souveraine de séduction pour qui cherche autre chose."
et, " Une excellente création française. Personnellement
je me suis régalé. A réserver pour les initiés
- qui ne sont pas ceux que l'on croit. "
Dans
les témoignages des auditeurs ensuite. Il est toujours extrêmement
émouvant de recevoir des lettres, d'inconnus ou d'artistes, nous
encourageant à persévérer, et il n'est pas rare qu'elles
soient accompagnées de parrainage, de commandes privées
de disques.
Que
faites-vous dans la vie à part Ænthéos ?
Ænthéos
- Rien, sinon de l'alimentaire, comme la plupart des gens qui bossent.
Si nous avions le choix nous ne ferions plus que de la musique. Seul Marc,
qui n'a pas non plus le choix, fait d'Ænthéos sa vie - à
part...
Quels
sont vos projets ?
Ænthéos
- Confirmer. Mettre en place une tournée à travers la France
et sortir le nouvel album, " Sur tes traces...", pour l'automne
2000 .
D'ici là nous devons trouver 80 000 Frs.
Le
mot de la fin sera le vôtre...
Ænthéos
- Il est plus difficile de s'arrêter que de commencer. Le mot de
la fin est souvent le mot " fin " lui-même. Alors, il
en sera autrement, et pour l'heure, je vous offre en partage un aphorisme
de René Char ; dans la mesure où, depuis de longues années
j'essaie de me l'approprier, de bien en saisir la portée, de le
faire mien. À vous :
"
Notre héritage n'est précédé d'aucun testament.
" René Char
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